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Avec le cinéaste Todd Phillips, l’art de la comédie noire

Des revirements de carrière comme le sien, on n’en rencontre pas beaucoup. Avec l’irrésistible succès de Joker en 2019, la planète cinéphile a dû commencer à compter avec le nom de Todd Phillips, son réalisateur, que personne n’attendait dans le cadre d’une franchise super-héroïque. Encore moins dans la relecture adulte, sombre, plus réaliste du genre que Warner, propriétaire du catalogue DC Comics, a tenté d’opposer au multivers Marvel. Avant Joker, le réalisateur, né Todd Bunzl en 1970 à New York dans un foyer juif de la classe moyenne, s’était surtout illustré pour ses comédies « grasses », dont la trilogie Very Bad Trip (2009-2013), dont le registre potache n’est plus tellement en odeur de sainteté à Hollywood. Todd Phillips s’amuse de la dichotomie : « Je ne vois pas une si grande différence [entre l’avant et l’après Joker], franchement. Si vous regardez bien Very Bad Trip, c’était déjà une comédie noire. »
Venu à Londres assurer la promotion de Joker : folie à deux, Todd Phillips apparaît tout sourire, déjà en place dans la fenêtre de visioconférence, sur un fond monochrome affichant le titre en gros. On s’interroge sur le choix de l’expression « folie à deux » – en français dans le texte – empruntée à la psychiatrie du XIXe siècle. « Avec Scott Silver, le scénariste avec lequel je travaille, on a commencé à écrire le film sans idée de titre autre que “Joker 2”. En faisant des recherches, on est tombés sur ce concept qui désigne un délire partagé. Le côté français ajoute une touche romantique. » A la descente aux enfers d’Arthur Fleck, le Joker version Joaquin Phoenix (misérable, schizo et décharné), s’ajoute en effet un duo amoureux avec une chanteuse des bas-fonds, Lee, interprétée par Lady Gaga.
Si le film précédent puisait largement à la source des années 1970 (Taxi Driver et La Valse des pantins, de Martin Scorsese), dont Phillips dit avoir visé « le grain réaliste », celui-ci remonte aux années 1950-1960, en prenant la forme d’une comédie musicale. Les chansons, un pot-pourri de standards des années 1960 (« Des morceaux que la mère d’Arthur écoutait quand il était enfant »), Phillips a tenu à ce que les comédiens les interprètent live sur le plateau. « Ça n’a pas le même impact d’entendre Joaquin Phoenix chanter For Once In My Life à la place de Frank Sinatra, explique-t-il. Soudain, on croit vraiment en la vérité émotionnelle de la chanson. On ne ressent pas forcément cela avec Sinatra, même si Sinatra est un bien meilleur chanteur ! »
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